Interview imaginaire

En octobre 2022, comme tous les habitants de Marnes et de Borcq-sur-Airvault, j’ai reçu dans ma boîte à lettres le Bulletin n°7 de la société Enertrag.
Cette feuille A4 (recto/verso) prétendait être le compte-rendu de la concertation à distance (!) d’avril 2022 (pour plus de détails sur cette « concertation » : voir la rubrique ci-dessus : On nous prend pour des quiches).
A côté de la photo du siège d’Enertrag en Allemagne où on peut voir (au loin ?) quelques éoliennes, un bref communiqué nous informe que près de 280 « questionnaires » ont été distribués sur les communes de Marnes et de Borcq-sur-Airvault. Ce nombre me semble tout à fait plausible (à titre personnel, du temps où j’étais conseiller municipal, de 2000 à 2019, le bulletin municipal était tiré à 160 exemplaires, dont environ un peu moins de 150 pour les habitants de la commune).
Par contre, la société Enertrag ne nous indique pas du tout combien elle a reçu de réponses.
Au dos de la feuille, une carte de la zone d’étude indique, parmi les zones proposées par la société, celles qui ont été les plus choisies, sous forme de pourcentage : 11 %, 32 %, 50 %, … mais sur combien de réponses ?
En effet, mathématiquement, s’il y a eu seulement 6 réponses, 3 réponses pour la zone H (par exemple) représentent bien 50 %. C’est tout à fait correct, mais pas vraiment très représentatif !
En fin de page, la société Enertrag propose de télécharger un petit document fournissant quelques informations dans un fichier questions/réponses. Les questions (et évidemment les réponses) sont élaborées par la société.
Vous trouverez ci-dessous une interview imaginaire reprenant les questions du fichier.
Comme vous pouvez l’imaginer, les réponses diffèrent un petit peu de celles fournies par Enertrag.
A chacun(e) de se faire son opinion !

« Comment nos enfants et petits-enfants feront-ils pour enlever les tonnes de béton en terre ? »

En principe nous devrions tout enlever sauf si une étude environnementale démontre un impact négatif (article R. 553-6 du code de l’environnement). Notre étude montrera que pour déranger le moins possible les oiseaux de plaine, il faut réduire au maximum le trafic des engins, le bruit des brise-roches et des chalumeaux et par conséquent qu’il vaut mieux laisser la quasi-totalité des fondations dans le sol. En plus, cela réduira d’autant le coût de l’opération.
Pour en savoir plus, cliquer ci-dessous :

« Comment faites-vous quand vous promettez une rentabilité de 5 à 7000 € par an pour le propriétaire du terrain ? »

Il est vrai que l’achat du terrain nous reviendrait beaucoup moins cher mais sans le consentement des propriétaires nous ne pourrions rien faire. Heureusement, nous pouvons nous le permettre car le retour sur investissement d’un parc éolien est très élevé, dépassant parfois 10%, pendant quinze à vingt ans. Pour des machines comme celles que nous projetons aujourd’hui, cela représente un revenu de 390 000 euros par machine et par an. Cela vaut bien un petit sacrifice.
Source : Quel développement des éoliennes ? (débat Paul Neau et Grégoire Souchay)

« Une zone noire, c’est à dire sans lumière artificielle la nuit est vitale pour la reproduction de certains oiseaux »

Nous n’ avons pas mené nous-mêmes d’étude à ce sujet, mais il existe désormais de nombreuses publications scientifiques qui vont dans ce sens. Dès 2010 par exemple, Bart Kempenaers et ses collègues indiquent que la pollution lumineuse a des effets substantiels sur le comportement reproducteur. En 2018, Dominoni DM montre que même de petits changements dans l’intensité de la lumière nocturne peuvent augmenter ou diminuer les effets sur la physiologie reproductive des organismes sauvages. En 2022, l’équipe de Ashton L. écrit que la lumière artificielle est le principal facteur de changement dans le comportement du chant. Or, en tant que fonction de chant pour l’attraction des partenaires, la défense territoriale, la défense contre les prédateurs et la signalisation des ressources aux congénères, tout changement dans le comportement des chants peut avoir une incidence sur la condition physique.
On pourra consulter les sources ci-dessous :

  • Ashton L. Dickerson, Michelle L. Hall, Therésa M. Jones,The effect of natural and artificial light at night on nocturnal song in the diurnal willie wagtail, Science of The Total Environment, Volume 808 2022
  • Zhang X, Yang W, Liang W, Wang Y, Zhang S. Intensity dependent disruptive effects of light at night on activation of the HPG axis of tree sparrows (Passer montanus). Environ Pollut. 2019 Jun;249:904-909.
  • Dominoni DM, de Jong M, Bellingham M, O’Shaughnessy P, van Oers K, Robinson J, Smith B, Visser ME, Helm B. Dose-response effects of light at night on the reproductive physiology of great tits (Parus major): Integrating morphological analyses with candidate gene expression. J Exp Zool A Ecol Integr Physiol. 2018 Oct;329(8-9):473-487.
  • Da Silva A, Samplonius JM, Schlicht E, Valcu M, Kempenaers B (2014) Artificial night lighting rather than traffic noise affects the daily timing of dawn and dusk singing in common European songbirds. Behav Ecol 25:1037-1047.
  • Bart Kempenaers, Pernilla Borgström, Peter Loës, Emmi Schlicht, Mihai Valcu, Artificial Night Lighting Affects Dawn Song, Extra-Pair Siring Success, and Lay Date in Songbirds,Current Biology,Volume 20, Issue 19,2010, p.1735-1739
  • Searcy, W.A., Andersson, M.,Sexual selection and the evolution of song.Annual review of ecology and systematics. 1986 Vol. 17 :507-533

« C’est une énergie intermittente qu’il faut compenser par le charbon »

L’ensemble des 8500 éoliennes produit seulement 2,3 % de l’électricité consommée en France en 2021, parce que le vent ne permet jamais de faire tourner en permanence les éoliennes à plein régime. Quand un anticyclone s’installe sur l’Europe, l’absence de vent est générale et pratiquement plus aucune éolienne ne produit d’électricité. C’est pour cela que 70 à 80 % de la production annoncée pour l’éolien doivent être fournis par les autres moyens de production, en France en premier lieu par les centrales nucléaires et les centrales à gaz.

Sources: statistiques de l’INSEE.

« Et si une pale se détache et tombe sur ma voiture ? »

Les éoliennes de 200 mètres de haut dont les pales peuvent tourner à plus de 200 km/heure peuvent-être un danger pour les personnes se trouvant à proximité. Mais à ce jour on ne compte aucune personne blessée ou tuée au cours de la quarantaine d’accidents survenus en France depuis 2002 (mâts brisés, pales déchiquetées, écrasées au sol ou projetées).

Une liste de quelques accidents est consultable en cliquant ici.

« C’est une électricité qui coûte 3 fois plus cher … 

Le coût de production des éoliennes de nouvelle génération se situe entre 57 et 71 €/ Mwh (contre 33 € pour le nucléaire, entre 74 et 135 € pour le photovoltaïque au sol et entre 140 et 200 € pour l’éolien en mer ou flottant).

Source : Prix de l’électricité : différences entre renouvelable et thermique

Le prix des contrats soumis au guichet ouvert passé avec EDF sur 15 ans est de 72 à 74 € MWh pour les plus récents et de 82€ pour les plus anciens. Source : Commission de régulation de l’énergie.

...  et dont le contribuable paye la très grande partie »

Non, c’est faux. À travers l’impôt et les taxes, c’est l’ensemble des personnes résidentes en France qui financent seules le soutien à l’industrie éolienne pour 1 milliard d’euros par an (1 000 000 000 €) soit près de 15 € par personne.
Les soutiens publics à la filière éolienne pris avant 2018 et courant jusqu’en 2046 s’élèvent à 21 milliards d’euros pour l’éolien terrestre auxquels il convient d’ajouter le coût des compléments de rémunération résultant des engagements 2018 et 2019 et le coût du soutien à l’éolien offshore, soit une enveloppe globale d’environ 30 milliards d’euros (hors coûts de raccordements et coûts liés aux nouveaux engagements induits par la PPE 2020-2028).
Dans un rapport publié en 2018, la Cour des Comptes elle-même indique « les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables sont aujourd’hui mal connus et ne font pas l’objet d’évaluations financières consolidées ». Concernant l’éolien, l’un des rares chiffres précis mentionnés concerne les éoliennes implantées en mer : « environ 40,7 milliards sur 20 ans ». Ceci à l’exclusion des projets d’éoliennes flottantes représentant le tiers des investissements programmés en éolien offshore.

Sources : Rapport annuel du Comité de gestion des charges de service public de l’électricité (CGCSPE) n°2

« Des éoliennes qui feront 240 m »

La réglementation concernant la sécurité aéronautique interdit de faire des éoliennes de plus de 240 m de haut. Mais nous avons déjà réussi à modifier d’autres lois en notre faveur ou maintenu celles qui nous étaient favorables comme la distance aux habitations limitée à 500 mètres alors que nos machines ont presque triplé de hauteur.

« Pourquoi pas des éoliennes au château de Versailles ? » « Pourquoi pas au château de Chambord »

On y songe !

Le château de Chambord …

Cet interview fait implicitement référence à une page proposée sur son site Internet par la société Enertrag à la suite de la diffusion de son bulletin n°7 dans les boîtes à lettres de Marnes.
Pour apporter un autre éclairage sur les informations ainsi diffusées, l’association Para-Vent a placé dans chaque boîte à lettres de la commune de Marnes et des environs un tract que vous pouvez télécharger en cliquant ici.